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Niger : anatomie d’une junte

par sidwakato

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Emmanuel GRÉGOIRE (Docteur en géographie, Directeur de recherche émérite)

Mohamed Bazoum, Mahamadou Issoufou et le général Abdourahamane Tiani.

Ces dernières années, les coups d’État se sont multipliés au Sahel central (Burkina Faso, Mali et Niger), sous-région déstabilisée par la présence de mouvements djihadistes, notamment le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’État islamique au grand Sahara (EIGS), qui ne cessent de conquérir de nouveaux territoires aux dépens des États tout en renforçant les rangs de leurs combattants. C’est une des raisons qui ont poussé des militaires à s’emparer du pouvoir aux dépens de présidents élus au suffrage universel qu’ils accusent d’avoir été incapables de neutraliser les islamistes alors que ce sont eux qui en avaient la charge.

Ces nouveaux putschistes qui renversent des régimes démocratiques pour leur substituer des dictatures militaires sont apparus lors des coups d’État du colonel Assimi Goïta au Mali (18 août 2020), du capitaine Ibrahim Traoré au Burkina Faso (30 septembre 2022) et du général Abdourahamane Tiani au Niger (26 juillet 2023)1. Tous refusent de rendre le pouvoir aux civils alors qu’auparavant des élections présidentielles et législatives étaient organisées au terme d’une période de transition consécutive à un coup d’État. Ainsi au Niger, depuis la Conférence nationale (1991), deux putschs interrompirent les dérives de présidents élus (général Baré Maïnassara en 1999, Mamadou Tanja en 2010), leurs auteurs rendant ensuite le pouvoir aux civils. Ces juntes entendent désormais le confisquer : au Mali, des consultations organisées (9 mai 2024) par le régime militaire pour résoudre la crise sécuritaire et politique recommandèrent de le prolonger de 2 à 5 ans. Quant au Burkina Faso, les assises nationales sur la transition (25 mai) se sont soldées par la signature d’une nouvelle charte le prolongeant de 5 ans.

Le contexte sahélien est donc marqué par le retour de l’autoritarisme des années antérieures aux Conférences nationales qui plonge les pays dans une période d’incertitude et de chaos, ces putschistes n’ayant pas de véritable politique sécuritaire, économique et sociale ni de projets de développement ambitieux. Au Niger, leur objectif est d’instaurer un régime d’exception, d’accaparer les postes stratégiques de l’administration où ils se substituent sans aucune compétence aux civils nommés par le président déchu Bazoum et de se substituer aux élus des instances régionales et municipales qu’ils ont dissoutes. En outre, ils promulguent des lois et des décrets renforçant leur mainmise sur l’État, musèlent la presse et l’opposition et favorisent leur prévarication des ressources publiques. Enfin, ils expulsent les traditionnels partenaires du Niger (France, États-Unis et Union européenne) qui ont tous condamné leur coup d’État, au profit de la Russie qui fait fi du respect de la démocratie et de l’État de droit, ce qui leur convient parfaitement.

Ces putschistes sont pour certains des personnalités connues ayant exercé des fonctions importantes dans l’armée, mais leur parcours militaire est souvent méconnu du grand public en raison de la difficulté pour la presse et la recherche d’enquêter dans ce milieu fermé et méfiant. Aussi, il semble intéressant d’entreprendre une anatomie de la junte nigérienne en retraçant l’itinéraire de ses principaux animateurs.

Nous montrerons ensuite que malgré les apparences, elle ne forme pas une entité homogène, mais est marquée par des inimitiés et des rivalités militaires et régionalistes ainsi que des divergences politiques sur des points importants comme le sort réservé à l’ancien président Issoufou (le traduire en justice ou pas) et le choix d’avoir chassé du pays les Occidentaux au profit de la Russie.

I. Biographie des principaux responsables de la junte

Ces putschistes sont regroupés au sein du « Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) » qui, après la suspension de la Constitution et de ses institutions, assure provisoirement les pouvoirs exécutif et législatif. Il est composé de 16 membres représentant l’armée de l’air, la garde présidentielle, l’armée de terre, la garde nationale, la gendarmerie nationale, la police et les sapeurs- pompiers et est présidé par le général Tiani instigateur du coup d’État. Nous présenterons sa biographie ainsi que celle des trois autres principaux généraux putschistes et évaluerons leur poids respectif au sein de la junte.

Le général Abdourahmane Tiani a, au départ, agi seul en séquestrant le président Mohammed Bazoum dans son bureau puis en incitant des hauts gradés de l’armée à le rejoindre : autrement dit, ce coup d’État improvisé a été organisé par téléphone et au cours de réunions informelles d’où une période de flottement de 2 jours entre la prise de parole à la télévision du colonel-major Amadou Abdouramane de l’armée de l’air annonçant le coup d’État (26 juillet) et celle du général Tiani lisant un communiqué informant les Nigériens qu’il prenait la tête du CNSP et devenait de ce fait chef de l’État (28 juillet)2. Décrit comme taiseux et calculateur, celui-ci est un militaire aguerri peu connu du grand public. Né en 1964 à Toukounous localité située à 120 kilomètres au nord de Niamey (cf. carte), il n’est pas un homme du sérail, autrement dit il n’appartient pas à la bourgeoisie militaire nigérienne, mais est un homme de la troupe qui a progressivement gravi les échelons de la hiérarchie. Il commence sa carrière comme soldat de 2ᵉ classe, devient caporal (1986) puis sergent (1989). En 1991, il accède au grade de sous-lieutenant (il est désormais officier) puis de commandant (2002). Lieutenant-colonel en 2007, il est promu colonel (2011) puis général en 2018.

Parmi ses multiples formations, il a suivi un cursus militaire sur la sécurité internationale et le contre-terrorisme au College International Security Affairs de Fort Mcnair (Washington D.C.) et un autre à l’école d’État-major de Koulikoro (Mali). En 2011, il est propulsé commandant de la Garde présidentielle (GP) par le président Issoufou auquel il est apparenté par son épouse3. Il occupa cette fonction 10 ans4 sous son mandat puis 2 sous celui de Bazoum.

S’il dirige le pays, il ne paraît pas à la hauteur de la tâche n’ayant ni projet politique clairement défini (il prend des mesures au coup par coup), ni compétences économiques, ni le charisme requis. À ces lacunes s’ajoute sa crainte d’être lui-même victime d’un coup d’État à tel point qu’il vit replié dans le camp de la Garde présidentielle situé face à la présidence5 : il ne s’est donc jamais rendu à l’intérieur du pays, cas unique pour un président de la République depuis l’indépendance (1960) et, par peur que l’on porte atteinte à sa vie, il boude les meetings organisés par la junte au stade Seyni Kountché de Niamey : pour le représenter, il mandate son chef d’état- major particulier, le colonel Ibro Amadou, qui prononce un discours en son nom. Enfin, il s’exprime peu à la télévision laissant au porte-parole du CNSP, le colonel-major Amadou Abdouramane, le soin de le remplacer.

Le général Salifou Mody qui a joué un rôle décisif dans la consolidation du coup d’État, est le numéro 2 de la junte et ministre de la Défense. Comme le général Tiani, c’est un homme qui a gravi tous les échelons de la hiérarchie (son fils Hassan est aussi militaire). Né le 12 octobre 1962 à Zinder bien qu’originaire de Niamey, il est le fils d’un sous-officier, l’adjudant-chef Mody qui aurait été exécuté suite à son implication dans la préparation d’un coup d’État contre le régime de Diori Hamani6. Enfant de troupe après le décès de son père, il a vécu dans un environnement militaire et fréquenté l’école militaire préparatoire de Bingerville en Côte d’Ivoire, d’où il sortit diplômé (1983). Il intégra ensuite l’armée nigérienne comme engagé volontaire et poursuivit sa formation dans des écoles de guerre au Cameroun, en France7 et à Madagascar. Commandant de diverses unités à N’Guigmi, Agadez et Niamey, il fut promu au grade de capitaine en 1993. En 1998, il accéda au grade de lieutenant-colonel, et fut nommé par la suite haut commandant de la Garde républicaine (GR) pendant une dizaine d’années.

C’est sous son long règne à la tête de ce corps de défense et de sécurité, que la GR fut transformée en Force nationale d’intervention et de sécurité (FNIS), avant de devenir la Garde nationale du Niger (GNN). Il s’est aussi immiscé dans la vie politique lors des trois derniers régimes militaires de transition post-démocratique. La particularité du général Mody est d’avoir été impliqué dans tous les coups d’État (1995, 1999, 2010) qu’a connu le Niger depuis la Conférence nationale. En 2011, il a même été soupçonné de fomenter un coup d’État contre le général Djibo Salou alors chef de l’État et auteur du coup d’État qui renversa le président Tanja (il fut aussitôt muté en tant qu’attaché de Défense à l’ambassade du Niger à Berlin). Suivant les conseils du général Tiani selon un informateur, le président Issoufou le fit revenir à Niamey et le nomma chef d’état-major des Forces armées nigériennes (FAN) après l’attaque à la frontière nigéro-malienne du village de Chinagodrar (cf. carte) où 89 soldats furent tués par les islamistes venus en grand nombre (janvier 2020). Il occupa cette fonction jusqu’en mars 2023 : se méfiant de lui, le président Bazoum après l’avoir promu général 4 étoiles voulut l’éloigner du Niger en le nommant ambassadeur auprès des Émirats arabes unis (1er juin 2023), poste qu’il n’a pas rejoint refusant d’endurer un second exil.

Putschiste récidiviste, le coup d’État du 26 août a assouvi ses ambitions, lui qui a toujours rêvé pour le Niger d’un retour à une dictature militaire analogue à celle du général Seyni Kountché, auteur du premier coup d’État et chef d’État de 1974 à 1989. Aussi, apparaît-il comme l’idéologue du CNSP et son chef d’orchestre donnant même l’impression de forcer la main au général Tiani quant aux orientations politiques du pays et à leur temporalité : départ des Français puis des Américains, arrivée de l’Africa Corps (ex-Wagner), militarisation de l’administration, dissolution des instances régionales et municipales élues, etc. Reste à savoir s’il se contentera d’être son second et s’il sera assez fort pour le renverser dès que l’occasion se présentera8 ? Difficile de répondre à cette question, car ni l’un ni l’autre n’ont intérêt à entrer en conflit ni à provoquer l’implosion du CNSP. Mais si le général Mody décidait de passer à l’action, cela pourrait finir dans le sang, car il compte de sérieux ennemis parmi les militaires originaires du centre, de l’est et du nord du pays.

Le général Salaou Barmou est le numéro 3 de la junte et le chef d’état-major des Forces armées nigériennes ce qui est une fonction importante puisqu’il dirige l’armée, dont les Forces spéciales du Niger qui sont les plus aguerries dans la lutte contre le terrorisme et dont il a été à la tête jusqu’au coup d’État. Originaire de Maradi, troisième ville du Niger située à près de 700km à l’est de la capitale, son père était un proche du général Seyni Kountché qui en fit son ministre de la jeunesse et des sports, le maire de Maradi puis lui confia des responsabilités au sein du Conseil national de développement (CND). Le général Barmou vient donc d’un milieu privilégié et proche du pouvoir contrairement aux deux généraux précédents. Il entreprend sa formation à l’École militaire interarmées (EMIA) de Yaoundé (Cameroun) puis la poursuit aux États-Unis (Fort Moore et National Defense University de Washington D.C.). De ce fait, il est considéré comme un militaire compétent en raison de sa formation poussée et le partenaire privilégié des Américains.

Ces derniers se sont fourvoyés quant à son poids réel au sein de la junte qui leur a imposé une cinglante humiliation, eux qui s’étaient désolidarisés des Français espérant ainsi sauver l’importante base qu’ils ont aménagée à Agadez. En effet, une délégation conduite par Molly Phee, secrétaire d’État adjointe aux affaires africaines, Celeste Wallander, secrétaire d’État adjointe à la défense, et du général de Michael Langley commandant en chef de l’Africom ne fut pas reçue par le général Tiani bien qu’elle ait prolongé son séjour à Niamey de 24 heures. Trois jours après son départ, le CNSP exigea que les États-Unis quittent le pays dans un délai « immédiat » (16 mars 2024). Ce camouflet montre l’ingratitude de la junte pour un pays qui a pourtant beaucoup fait pour l’armée nigérienne (dons de matériel, formation, renseignement, etc.). Il renvoie ensuite à une erreur d’appréciation de Molly Phee qui comptait sur le général Barmou pour défendre les intérêts américains or il n’a rien fait ou pu faire. Son poids politique n’est donc pas aussi fort qu’elle le pensait alors qu’il est pourtant chef d’état-major des armées.

Le général Mohammed Toumba est le numéro 4 du régime militaire et ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et de l’Administration du territoire. Contrairement aux généraux Tiani et Mody, le général Toumba appartient à l’élite militaire nigérienne puisque son père Boubacar Toumba a été chef d’état-major de l’armée nigérienne à l’époque de la Conférence nationale (1991). Il assura alors aux délégués que « les FAN tiennent (désormais) à conserver leur caractère apolitique », propos oublié par son fils. C’est donc un enfant du sérail qui a suivi une formation au prytanée militaire de Saint-Louis du Sénégal qui forme des élèves triés sur le volet appelés à exercer les plus hautes fonctions civiles et militaires dans leur pays. En ce sens, il est un bon exemple de la constitution au sein de l’armée comme dans d’autres corps d’État (douane par exemple) de dynasties familiales qui considèrent l’armée comme leur patrimoine et s’efforcent de contrôler les postes-clés de père en fils (un de ses fils est également militaire).

Le général Toumba a dirigé sous la présidence de Mahamadou Issoufou (2011-2021) les opérations contre Boko Haram puis en 2015 l’opération « Maï Doumana » composée de plusieurs milliers de soldats nigériens et tchadiens qui sont parvenus à détruire plusieurs bases de Boko-Haram et à éliminer 200 de ses membres. Avant le coup d’État du 26 juillet, il commandait l’opération conjointe avec la force française et avait donc des contacts étroits avec les responsables de l’opération Barkhane qu’il a trahis sans le moindre scrupule du jour au lendemain.

Au sein de la junte, son poids est faible si bien que des opposants au régime considèrent que « Toumba est la dernière roue du carrosse » et l’homme auquel sont confiées « les basses besognes ». Ainsi, il prétendit sur ordre que « c’est qu’en réalité, plus de 3 000 soldats français qui sont actuellement stationnés au Niger et non les 1 500 annoncé » alors qu’il sait très bien que c’est faux ayant longtemps collaboré avec les militaires français avant de rejoindre le CNSP sans doute plus par crainte de se voir marginaliser au sein de l’armée que par conviction puisqu’il dit tout le contraire de ce qu’il disait un an plus tôt !

Ces biographies montrent que ces généraux doivent tous leur carrière à l’ancien président Issoufou que ce soit leur progression accélérée dans la hiérarchie militaire ou leur nomination à des fonctions importantes : le général Tiani et le colonel Ibro Amadou qui était son adjoint, ont ainsi eu des promotions exceptionnelles grâce au soutien indéfectible de l’ex-président. De même, le général Mody a bénéficié d’un avancement rapide grâce à ce dernier qui le nomma général de brigade et de division et fit de lui le responsable de l’armée. Quant au général Toumba, il l’a nommé général juste avant la prestation de serment de Bazoum. Enfin, le général Barmou a lui aussi bénéficié de l’appui de l’ex-président qui l’avait nommé à la tête des Forces spéciales. Tous ces putschistes ont donc profité des largesses d’Issoufou alors que nombre de leurs aînés et de leurs anciens promotionnaires ont été bloqués dans leur carrière et pour certains marginalisés. Par contre, ils connaissaient peu le président Bazoum dont ils se méfiaient : selon un de ses proches, leur loyauté à son égard dépendait de l’état de ses relations avec l’ancien président : dès lors qu’il a voulu se démarquer de lui en luttant contre la corruption et en voulant créer la PétroNiger, société destinée à gérer l’exploitation pétrolière pour empêcher les malversations, il a été renversé, ces mesures nuisant aux intérêts d’Issoufou et de son clan. Cette analyse est confirmée par un autre proche de Bazoum qui déclara (RFI, 27 juillet 2023) : « il y avait un différend avec Mohammed Bazoum. Ils voulaient juste le pouvoir et ils l’ont pris ». Dix mois après le coup d’État, ce dernier est toujours séquestré dans les locaux de la présidence malgré les demandes pressantes de sa famille, de ses avocats, de chefs d’État étrangers et d’organisations internationales pour qu’il soit libéré, mais la junte craint qu’il prenne la tête de l’opposition et dévoile des affaires compromettantes pour eux. C’est pourquoi ils ont fait lever son immunité (12 juin) par la Cour d’État créée en octobre 2023 par le régime militaire et donc à sa solde : désormais, ils peuvent traduire en justice l’ancien président Bazoum.

Le premier point commun à ces généraux putschistes est qu’ils occupaient tous des postes stratégiques sous la présidence de Mohamed Bazoum et sont donc pleinement responsables de son bilan sécuritaire plutôt positif ce qu’ils feignent d’oublier alors que plusieurs d’entre eux louaient, il y a encore un an, l’efficacité de la politique sécuritaire du président déchu. Aujourd’hui, il en est tout autrement puisque les Forces armées nigériennes (FAN) perdent du terrain dans l’ouest de la région de Dosso et le sud de celle de Tahoua face aux islamistes et connaissent des pertes jusqu’alors inconnues9 au point que des soldats refusèrent (décembre 2023) de partir en patrouille de ratissage dans la région de Ouallam très exposée aux attaques des islamistes. Plus récemment, des sources bien informées révélaient (avril 2024) l’existence d’un malaise profond parmi les soldats qui exprimaient ouvertement leur préférence pour la gestion du président Bazoum qui, selon eux, avait de meilleurs résultats que ceux de la junte.

Si le coup d’État soude la junte autour d’un objectif commun à savoir le contrôle de l’État et de ses prébendes, il a des conséquences sur la cohésion de l’armée dont beaucoup de cadres rejoignent les putschistes espérant accéder à des fonctions rémunératrices. En effet, si c’est toujours un petit groupe qui est à la base d’un coup d’État, c’est toute l’armée qui en supporte les conséquences notamment au niveau de son unité comme le décrit Brimaka Garba Azizou10. Pour se prémunir d’un éventuel coup d’État, des colonels, des officiers supérieurs et des sous-officiers sont désormais en sécurité après avoir été mutés à des postes occupés auparavant par des civils11 alors que les soldats sont, au contraire, plus que jamais exposés aux attaques des islamistes (188 incidents sécuritaires recensés au cours du 1er trimestre 2024 contre 99 l’an passé). La junte renforce ainsi sa clientèle pour décourager d’éventuels putschistes quitte à désorganiser la hiérarchie militaire et par là affaiblir la lutte contre les djihadistes. En agissant ainsi, elle se coupe de la base pariant, consciemment ou pas, que les soldats ne se rebelleront jamais : le pari est risqué, car le mécontentement gronde face aux revers répétés enregistrés sur le terrain et à un bilan humain dégradé (411 victimes militaires et civiles lors du 1er trimestre 2024) ce qui affecte le moral des soldats et leur donne le sentiment d’être de la chair à canon12. Aussi, des mutineries comme celles qui se sont produites au Burkina Faso (mi-juin) après l’attaque du village de Mansila (plus de 100 morts) ne sont-elles pas à exclure, car des officiers et des sous-officiers de terrain pourraient se révolter contre ces putschistes qui vivent dans l’aisance et en toute sécurité à Niamey.

Le second facteur d’unité au sein de la junte est d’instaurer un régime d’exception visant à assurer sa pérennité à la tête de l’État malgré son projet d’organiser un « dialogue national inclusif » censé déterminer la durée et l’agenda de la période de transition. Celle-ci n’est d’ailleurs plus une priorité du régime à laquelle certains espèrent même qu’il renonce tandis que d’autres n’ont jamais cru à sa tenue. D’une manière générale, quelles que soient leurs responsabilités, les membres du CNSP s’attachent à défaire ce que les régimes civils avaient mis en place en dissolvant les instances élues, en interdisant les partis politiques, en mettant la justice aux ordres, en surveillant la presse et en arrêtant des journalistes, en limitant la liberté d’expression, en supprimant la liberté de manifester à leurs opposants, en contrôlant les syndicats, en procédant à des arrestations arbitraires etc. Ces mesures rappellent celles prises par le général Seyni Kountché lors de son coup d’État (15 avril 1974). Ces deux putschs ont des points communs (remise en cause de la présence militaire française, souci de tirer un meilleur parti des exportations des matières premières du pays, instauration d’une dictature), mais aussi des différences qui tiennent à leurs contextes historiques et à leurs objectifs : le général Kountché voulait mettre fin à la famine qui touchait la population et décimait le bétail après à la terrible sécheresse de 1973-1974, ce que le président déchu Diori Hamani fut incapable de faire. Au-delà, il voulait promouvoir le développement, ce qu’il fit en partie grâce à l’augmentation des recettes tirées des exportations d’uranium.

De leur côté, les putschistes du 26 juillet ne peuvent justifier leur action par une situation économique détériorée, car la croissance devait s’élever à 6,9 % en 2023 selon les prévisions de la Banque mondiale (communiqué de presse, 19 juin 2023) et doubler en 2024 (12,5 %) « si les objectifs de production pétrolière se réalisent »13. La conjoncture était donc favorable d’autant plus que les Occidentaux allaient déverser des sommes importantes au Niger ayant délaissé ses voisins malien et burkinabé. Enfin, la junte se désintéresse du développement du pays et son bilan économique est calamiteux : forte inflation avec une flambée des prix des denrées alimentaires et des biens, paupérisation de la population, hausse du chômage, activités industrielles et marchandes ralenties, coupures d’électricité fréquentes, finances publiques en berne, etc.14 Manifestement, elle préfère asseoir son pouvoir et conforter ses sources de prébendes plutôt que d’assurer le bien-être du peuple, contrairement au Conseil militaire suprême (CMS) du général Kountché qui, lui, était intègre tout en dirigeant son pays d’une main de fer.

Le troisième facteur qui soude la junte est la perspective d’enrichissement personnel, car il est bien connu qu’en Afrique un putsch est pour ses auteurs le meilleur moyen et le plus rapide de s’enrichir. Brimaka Garba Azizou15, explique que la corruption est la principale faiblesse des armées africaines et le premier facteur de leur affaiblissement. Il observe qu’au Niger, ces pratiques « corruptogènes » se sont amplifiées avec la lutte contre le terrorisme islamique si bien qu’on peut considérer que tous les officiers se sont enrichis. Ainsi, la forte augmentation du budget de la défense engendra une corruption rampante, mais bien réelle entretenue par des responsables militaires et politiques : elle est difficile à évaluer en raison de la culture du secret et de l’impunité propre à l’armée où la loi du silence et l’informel sont la règle. Toujours selon Brimaka Garba Azizou, la corruption se produit lors de l’achat de matériel militaire et a porté sur des sommes considérables (plusieurs dizaines de milliards de francs CFA) étant donné la forte augmentation des commandes en équipements militaires si bien que l’intégrité de l’armée est remise en cause et son image ternie. Elle l’est davantage depuis que le gouvernement promulgua une ordonnance (23 février 2024) qui abroge les contrôles sur les dépenses liées à la défense qui ne seront plus soumises à la législation sur les marchés publics et la comptabilité publique. Selon Transparency International, cette ordonnance « confère aux autorités le pouvoir discrétionnaire de passer des marchés publics sans appel d’offres ni contrôle préalable, de dispenser certains opérateurs économiques du paiement des impôts, taxes et redevances, et de soustraire certaines dépenses publiques au contrôle des services

compétents et des citoyens nigériens »16. Il s’agit d’une grave atteinte aux principes de transparence et de bonne gouvernance qui « ouvre un grand boulevard à une grande corruption au Niger » toujours selon cette ONG. La junte dispose ainsi d’un cadre législatif pour procéder au pillage des ressources publiques, et non pour lutter contre « la mauvaise gouvernance économique et sociale » qu’elle dénonçait le 26 juillet 2023.

Si la junte est unie autour d’intérêts communs, elle est néanmoins l’objet de multiples tensions internes qui sont à la fois d’ordre sociologique, d’appartenance à des corps militaires distincts et de rivalités régionalistes. On constate ainsi une fracture sociale avec, d’un côté les généraux Tiani et Mody qui sont de milieux modestes et, d’un autre côté les généraux Barmou et Toumba issus pour le premier de la bourgeoisie politique nigérienne et militaire pour le second si bien que certains les considèrent comme des officiers privilégiés de par leur milieu social. À cela se greffent des inimitiés interpersonnelles et des rivalités de corps entre la GP mieux formée, équipée et rémunérée afin de protéger le régime en place contre d’éventuels coups d’État et l’armée :

« chaque fois qu’il y a des tentatives de coups d’État, c’est toujours l’armée qui est impliquée et la GP qui les déjouent sauf en 1999 lorsqu’elle a pris le pouvoir »17. Ce cas de figure s’est reproduit le 26 août 2023 puisque le général Tiani était responsable de la GP. Enfin, du point de vue de leur engagement politique, les hauts gradés de l’armée se répartissent au sein des partis politiques, mais ce fractionnement ne les divise pas, car ils veulent demeurer une alternative aux échecs des hommes politiques ce qui s’est déjà produit cinq fois depuis 1960.

Au cours des douze années passées à la tête de la GP, est née une réelle hostilité voire une haine à l’égard du général Tiani qui s’est souvent opposé à l’armée. Il a ainsi déjoué plusieurs tentatives de coups d’État, dont une fomentée par le général Mody, la veille de l’investiture du président Bazoum (31 mars 2021). Chaque fois, il fit mettre en prison parfois sans procès ou muter loin du Niamey et du Niger leurs auteurs. En outre, il mit à la retraite plusieurs officiers dont il se méfiait ou qui lui déplaisaient : une partie de l’armée lui est donc hostile tout en le craignant comme lui redoute que des militaires attentent à sa vie d’où une paranoïa qui l’amène à prendre des mesures de sécurité draconienne pour assurer sa protection. Dans ce contexte, ses réseaux de soutien au sein des FAN sont très limités comparés à ceux des généraux Mody et Toumba qui ont de nombreux partisans parmi les militaires djerma, les natifs de Dosso étant les plus puissants : dès l’époque coloniale, leurs ainés ont été recrutés par l’armée française puis nigérienne après l’indépendance si bien que sous le régime du président Kountché, ils représentaient près de 90% des effectifs des FAN, chiffre qui ne correspondait pas au poids démographique de la population djerma dans le pays. Depuis la présidence de Mahamane Ousmane (1991-1995), ce ratio s’est un peu rééquilibré bien qu’ils restent surreprésentés et entendent le demeurer ce qui suscite chez les autres un sentiment de frustration et d’injustice.

Le général Tiani se trouve donc dans une situation inconfortable en raison de son impopularité parmi les FAN et de ses liens étroits avec l’ex-président Issoufou. C’est pourquoi il vit en vase clos protégé par des éléments de la GP renforcés par des membres des Forces spéciales ce qui a dégarni le front. Guidé par l’angoisse d’être destitué à son tour, il procéda (mi-mai 2024) à une vague d’arrestations dans les rangs mêmes de la GP : après avoir interpellé 12 éléments, 6 autres l’ont été quelques jours plus tard et leurs domiciles perquisitionnés18. Le général verrait-il des comploteurs même au sein de sa GP ? En tous cas, il sait très bien que seuls des militaires pourront le chasser du pouvoir.

Le sort qui doit être réservé à l’ex-président Issoufou et la question de la coopération militaire avec la Russie sont les deux principaux points de désaccord au sein du CNPS.

Dès le coup d’État réussi, des membres du CNSP, des mouvements de la société civile et de nombreux Nigériens ont exigé que l’ancien président soit traduit en justice afin qu’il réponde de sa gouvernance, des nombreuses malversations et de la corruption qui se sont toutes deux généralisées au cours de ses 10 années de présidence (son fils Abba a été placé en mandat de dépôt étant accusé aussi de nombreuses malversations), ce que refuse obstinément le général Tiani qui entend toujours le protéger. La situation est d’autant plus compliquée qu’au fur et à mesure que le temps passe et que les langues se délient, il s’avère que l’ex-président Issoufou Mahamadou a été partie prenante dans le putsch du 26 juillet 2023 et en est sans doute même le principal instigateur comme de nombreux témoignages19 et faits le prouvent. Tout d’abord, sa condamnation tardive et molle du coup d’État laissa sous-entendre qu’il la faisait plus par principe et apparente solidarité avec son successeur que par conviction d’où un premier soupçon de double jeu. Ensuite, sa participation à Addis-Abeba à la 44e session ordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine sur le rôle de la connectivité dans la mise en œuvre de la zone de libre-échange où à la surprise générale il représentait le Niger. Enfin, sa présence à la grande mosquée de Niamey lors de la célébration de la fin du ramadan aux côtés des généraux Tiani et Mody. Pour beaucoup de Nigériens, c’est lui qui a téléguidé la chute de son ami Bazoum, pour revenir au pouvoir.

Il est donc très probable, voire acquis, que le général Tiani s’en soit emparé pour le remettre à l’ancien président Issoufou ou à son fils Abba au bout d’une courte période de transition militaire au cours de laquelle aurait été adoptée une nouvelle Constitution, l’ancienne l’ayant empêché de solliciter un troisième mandat. Mais les évènements ne se sont pas passés comme ils l’avaient prévu, car, d’une part, des membres du CNSP sont opposés à un retour au pouvoir d’Issoufou et, d’autre part, le général Tiani et ce dernier ont été surpris par la réaction très vive des Occidentaux alors qu’ils pensaient pouvoir effectuer leur révolution de palais sans heurts. Aussi, si le soutien inconditionnel d’Issoufou a longtemps fait la force du général Tiani, celui-ci est-il affaibli par cette complicité qu’il ne veut pas trahir : l’ex-président qui bénéficie toujours de la protection de la GP, a décidé de s’aligner derrière la junte dirigée par son homme de confiance dont il n’a rien à craindre et qui garantit sa liberté et peut-être son retour au pouvoir. Conscient de son avenir incertain, il prend soin de ne pas s’exposer en bon tacticien qu’il est, ce qui ne l’empêche sans doute pas de donner des conseils au général Tiani (ils se verraient la nuit).

Le sort qui doit lui être réservé divise en effet les putschistes et leurs tergiversations accréditent l’idée qu’il y a au sein du CNSP une aile indulgente et une autre décidée à lui demander des comptes en le traduisant devant les tribunaux. Au centre se trouve le général Tiani qui est « cerné de toutes parts » pour reprendre l’expression d’un informateur qui tient à garder l’anonymat. Il semble en effet être pris en tenailles entre son mentor, l’ex-président Issoufou, et le général Mody qui, bien que numéro 2 de la junte, paraît avoir pris celle-ci en mains sans toutefois pouvoir renverser le général Tiani.

S’il est difficile de prévoir l’avenir, on peut raisonnablement penser que le statu quo actuel (binôme Tiani/Mody) devrait se prolonger quelque temps encore, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’un militaire (un élément de La Garde présidentielle ou un gradé des FAN) décide de mettre fin à l’expérience actuelle qui a conduit le pays dans le gouffre : l’histoire des coups d’État montre en effet que les militaires finissent toujours par s’entredéchirer et que les putschistes ont toujours été menacés voire évincés par d’autres qui voulaient prendre leur place selon un observateur nigérien.

C’est le second point de frictions au sein de la junte. Très proche des militaires maliens, le général Mody est un des farouches partisans des Russes et n’a cessé d’œuvrer pour obtenir le départ des Occidentaux afin de faciliter l’arrivée de ces derniers (10 avril 2024) d’où de nombreux séjours à Bamako où il a rencontré des responsables du groupe Wagner et des diplomates russes. Ses opposants potentiels quoique très discrets sont formés d’un tandem associant le chef d’état-major de l’armée, le général Salaou Barmou et le chef d’état-major de l’armée de terre, le colonel Mamane Sani Kiaou tous deux américanophiles ayant été formés aux États-Unis. Ils seraient soutenus par une partie des cadres militaires de terrain qui estiment que les mercenaires de l’Africa Corps ne seront pas en mesure de se substituer à l’appui logistique et aérien fourni par la France et les États-Unis (le cas malien leur donne raison), certains d’ailleurs regrettant leur départ.

Quant au général Tiani, il serait favorable à l’arrivée d’un contingent russe limité, mais pas des mercenaires de l’Africa Corps : comme pour les juntes burkinabé et malienne, il voit en la présence d’une centaine de militaires russes le moyen d’assurer sa protection ayant peur à son tour d’être renversé. Ce rôle de garde prétorienne alloué aux Russes est primordial pour ces nouveaux putschistes20. Par contre, le développement de leur pays et la lutte contre les djihadistes sont à leurs yeux secondaires : ils font fi du sort des populations, et peu leur importe si elles se paupérisent et sont comme au Mali les principales victimes des violences et des massacres des mercenaires russes dès lors qu’ils conservent le pouvoir.

Un consensus a été trouvé pour le moment autour de la présence d’un contingent limité de l’Africa Corps (100 personnes environ) officiellement chargé de renforcer les capacités de surveillance des services de renseignements nigériens (notamment l’écoute des ambassades occidentales et le suivi des opposants) et de faire de la formation. Le débat sur une arrivée massive des hommes de l’Africa Corps n’est donc pas tranché. Toutefois, il pourrait resurgir si la situation sécuritaire se détériorait davantage sur le terrain où les FAN éprouvent des difficultés à combattre les islamistes dans les régions de Tillabéry et de Ballayara ainsi que dans celle de Diffa (cf. carte), capitale régionale situé à proximité du lac Tchad où des garnisons ont perdu des éléments affectés à la protection des installations pétrolières d’Agadem. À cet effet, la junte vient de créer un « Commandement des forces pour la protection et le développement » (CFPD) pour protéger des sites stratégiques (mines d’uranium, puits de pétrole, pipelines, etc.) des attaques de mouvements terroristes ou de groupes armés comme les Forces patriotiques pour la libération (FPL) qui sont actifs dans le nord-est du pays.

Si la poussée islamiste devenait trop pressante21, les généraux Tiani, Mody et Toumba pourraient décider de l’arrivée d’un grand nombre de mercenaires de l’Africa Corps pour assister les FAN à laquelle le général Barmou en tant que chef d’état-major de l’armée pourrait s’opposer soutenu en cela par des cadres de terrain qui ne veulent pas que les FAN soient dirigés par des étrangers à la mauvaise réputation.

Une crise pourrait alors survenir, mais rien ne dit non plus que le président Poutine veuille s’impliquer dans la lutte contre les islamistes au Niger comme il l’a fait au Mali sans en tirer de réels bénéfices politiques : faire jouer à l’Africa Corps le rôle de garde prétorienne du régime comme au Burkina Faso lui suffit pour mettre le Niger sous tutelle.

Conclusion

Cette anatomie de la junte souligne sa fragilité : le coup d’État étant improvisé, les hommes qui ont rallié le général Tiani l’ont plus fait par opportunisme et intérêt personnel que par adhésion à un projet politique construit. Contrairement au CMS du général Seyni Kountché, le CNSP regroupe des militaires attirés par le pouvoir et le gain, mais sans réelle complicité si bien que la suspicion est de mise. Dans ces conditions, la junte n’est pas soudée, chaque membre du CNSP joue son propre jeu qui consiste à tout faire pour garder sa fonction. Selon un ancien cadre proche de Bazoum, ils ne s’opposent jamais au quarteron de généraux qui dirigent le pays et entérinent leurs décisions même s’ils les désapprouvent : « ces béni-oui-oui peureux redoutent le mécontentement populaire, de la troupe et des commerçants22 qui commence à poindre : dès qu’ils sentiront que le vent tourne et que leur sécurité est menacée, ils retourneront leur veste ». Rien n’est en effet acquis à la junte et elle le sait fort bien.

Ces nouveaux putschistes africains n’ont pas de scrupules à bafouer les droits fondamentaux des citoyens, à trahir leurs anciens partenaires militaires français et américains qui ont massivement soutenu leurs pays dans leurs luttes contre les djihadistes, à justifier leurs coups d’État à partir de raisons officielles qui ne tiennent pas la route un seul instant et auxquelles eux-mêmes ne croient pas. Enfin ils recourent aux mensonges pour rallier des soutiens auprès d’une population le plus souvent jeune, urbaine, sans travail ni perspective d’avenir. Ce qui compte pour eux, c’est que leur discours fasse son chemin pour masquer les véritables raisons de leurs putschs qui se résument à une soif de pouvoir, à l’assouvissement d’ambitions personnelles et à un fort désir d’enrichissement. À leurs yeux, tout cela vaut plus que les épreuves sécuritaires et économiques qu’ils imposent à la population et l’armée est l’instrument par lequel ils confisquent le pouvoir, assistés des Russes. Leurs discours nationalistes et souverainistes relèvent du populisme d’extrême droite et recourent à la désinformation systématique pour masquer leur incompétence et leurs échecs en copiant le modèle de gouvernance poutinien.

Le Sahel n’a rien de bon à attendre de la Russafrique et tout à craindre des djihadistes qui gagnent du terrain aux dépens d’États affaiblis et d’armées désorganisées et sans soutiens extérieurs

: tant décriée par l’extrême droite que gauche française et divers auteurs23, l’opération Barkhane parvenait tant bien que mal à ralentir voire à enrayer la progression des islamistes. Ces juntes seront incapables de faire de même y compris avec l’appui de l’Africa Corps comme l’illustre la situation malienne. Un boulevard s’ouvre donc à eux qui ne pouvaient espérer mieux pour déstabiliser l’ensemble de la sous-région et sans doute au-delà.

Notes

1 Au Burkina Faso et au Mali, ce sont des sous-officiers ou des colonels qui ont pris le pouvoir, au Niger ce sont des généraux en place depuis longtemps.

2 Anonyme (un conseiller spécial du Président Bazoum), Autopsie d’un coup d’État de trop, septembre 2023.

3 Cette proximité familiale donna lieu à un pacte religieux entre les deux hommes où il est à la fois son protégé et son protecteur.

4 Ce poste offre des opportunités de gains en raison de sa proximité avec le chef de l’État, ce qui explique que le patrimoine du général Tiani (nombreuses villas à Niamey, ranchs comptant de nombreuses têtes de bétail, terres agricoles, etc.) soit le plus élevé au sein de la junte.

5 Paranoïaque, il consulte assidûment des marabouts, des charlatans et des Boka (guérisseur et devin animiste) pour lui prédire l’avenir, car sa sécurité l’obsède sachant qu’en cas de problèmes il sera en première ligne.

6 Cf. aNiamey.com, FAN : le général de division Salifou Mody, un officier valeureux à la tête de l’armée nigérienne, http://news.aniamey.com/h/95653.html

7 Il n’a pas été admis à l’École Saint-Cyr-Coëtquidan d’où sa frustration et son ressentiment anti-français.

8 Peut-être avec le soutien des Russes dont il est le principal artisan de la venue au Niger.

9 L’Autre républicain, La junte peine à convaincre, 13 décembre 2023 https://www.lautrerepublicain.com/2023/12/niger-la-junte-peine-a-convaincre/

10 Cf. B. Garba Azizou « Les forces armées nigériennes (FAN) face au terrorisme international : enjeux, défis et enseignements », juin 2021, Centre africain de recherche sur les défis globaux (CARD).

11 Cette militarisation des fonctions civiles prive les FAN de cadres expérimentés qui pourraient être très utiles sur le terrain : plus de 250 militaires gradés ont été ainsi repositionnés dans l’administration.

12 L’âge de la retraite pour certains soldats a été repoussé de 47 à 52 ans (juin 2024) afin d’augmenter les effectifs des FAN qui le seront plus encore par le recrutement de 10 000 hommes en 2024.

13 E. Grégoire, Le Monde, Niger : « Le positionnement très ferme de la France se retourne contre elle et fait le jeu des militaires », 19 août 2023, https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/19/niger-le-positionnement-tres-ferme-de- la-france-se-retourne-contre-elle-et-fait-le-jeu-des-militaires_6185944_3232.html

14 L’Autre républicain, La junte peine à convaincre op. cit.

15 Cf. B. Garba Azizou « Les forces armées nigériennes (FAN) face au terrorisme international : enjeux, défis et enseignements », op. cit.

16 L’événement Niger, Niger/Ordonnance 2024-05 du 23 février 2024 : « un boulevard à la grande corruption », 13 mars 2024, https://levenementniger.com/niger-ordonnance-2024-05-du-23-fevrier-2024-un-boulevard-a-la-grande- corruption/17 Cf. B. Garba Azizou « Les forces armées nigériennes (FAN) face au terrorisme international : enjeux, défis et enseignements » op. cit.

18 D’autres arrestations auraient eu lieu au sein de l’armée depuis le coup d’Etat.19 S. Moussa, Mondafrique, L’ex-président Issoufou, l’instigateur probable du coup d’État, 14 mai 2024, https://mondafrique.com/a-la-une/lex-president-issoufou-le-cerveau-du-coup-detat-au-niger/

20 E. Grégoire, L’Autre républicain, 29 mars 2024, Niger : les Occidentaux expulsés, les Russes déjà là ? https://www.lautrerepublicain.com/2024/03/niger-les-occidentaux-expulses-les-russes-deja-la/

21 Ils ont récemment attaqué un bourg (Hamdallaye) situé à 32 km de Niamey (cf. carte).

22 Ils se plaignent de la fermeture prolongée de la frontière avec le Bénin qui pénalise leurs affaires depuis dix mois et de la récession économique consécutive au coup d’Etat.23 M.A. Pérouse de Montclos, « Le coup de force au Niger démontre les limites stratégiques d’une puissance moyenne qui n’en finit pas de purger son passé colonial », Le Monde, 3 août 2023, https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/03/le- coup-de- force-au-niger-demontre-les-limites-strategiques-d-une-puissance-moyenne-qui-n-en-finit-pas-de-purger-son- passe- colonial_6184378_3232.html

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1 comment

Leo Gervais OUEDRAOGO 2 juillet 2024 - 18h57

Bonjour Sidwakato
Vous faites un boulot formidable

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